Cinq conseils pour rester optimiste et améliorer son moral (France Inter - 11/11/2020)
Reconfinement, attentats, entrée dans l’hiver… Pas facile de ne pas se décourager. Sport, culture, exercices de renforcement de l’optimisme, et méthode des quatre temps, dans l’émission Grand bien vous fasse d’Ali Rebeihi, médecins et psychologues sont venus expliquer comment ne pas déprimer.
1 – Augmenter la dépense physique
C’est l’ordonnance d’Adrian Chaboche, médecin généraliste pour conserver le moral. « Avec le reconfinement, les gens n’ont plus ce sas physique entre le travail et la vie privée. Mais psychologiquement et physiquement, il est important de le retrouver. Trente à quarante-cinq minutes d’exercice par jour, c’est vraiment un minimum.
On trouve des cours sur le web. Il n’y a pas besoin d’avoir énormément de matériel pour pratiquer. Avec peu de moyens, mais structurés, on a de grandes chances de préserver notre santé.
« Le sport rétablit de manière très primitive un lien avec le corps. C’est une façon de se comprendre à travers les muscles, les tendons et tous les organes qui vont s’échauffer par la mise en route de l’activité physique. «
Faire un effort physique va générer une fatigue positive, au contraire de celle liée à l’anxiété de la situation. Le sport active le système cardiovasculaire, fait circuler le sang, stimule les glandes surrénales qui vont synthétiser des anti-inflammatoires, et des hormones du plaisir comme les endorphines. C’est capital et cela permet de nettoyer nos neurones et nos pensées.
Faire une activité physique, c’est également se donner un but, ce qui est intéressant à un moment où tout devient incertain.
Le professeur Michel Lejoyeux, chef du service de psychiatrie et d’addictologie à l’Hôpital Bichat à Paris, ajoute : « Il n’y a d’ailleurs pas besoin d’en faire beaucoup : une étude vient de sortir. »
« Six minutes de marche rapide suffisent. Si on mesure votre sensation de bien-être avant et après, elle a augmenté de 30%. »
Adrien Chaboche poursuit : « Plutôt que d’avoir recours à de l’alcool ou des médicaments, faire du sport contribue à avoir un bon sommeil, ce temps durant lequel notre cerveau se régénère.
Par ailleurs on sait qu’il existe un lien entre psychisme, forme physique et immunité. En faisant du sport, on dort mieux, notre système immunitaire se repose et récupère ».
2 – Cultiver l’optimisme
Philippe Gabilliet est professeur de psychologie à ESCP Europe (Paris), porte-parole de la Ligue des Optimistes et auteur de Eloge de l’optimisme : Quand les enthousiastes font bouger le monde (Ed. Saint-Simon). Il explique : « L’optimisme s’est endormi chez certaines personnes. Cet état de confiance a priori est lié au sentiment que l’on peut agir.
Le confinement génère une espèce de sentiment d’impuissance. L’effet collatéral de cette inhibition de l’action est grave. Quand on se sent bloqué, l’adversité occupe tout le champ de perceptions. On commence à déprimer. Et, comme Schopenhauer, à penser que demain sera encore pire.
Mais cette posture ne mène à rien puisque l’adversité existe. L’adversité n’est pas opposable au bon moral. Les optimistes, et c’est leur caractéristique, vont relativiser.
« C’est difficile de dire ça, mais ce que nous vivons n’est pas vraiment une tragédie, mais une épreuve collective liée à des facteurs externes. Et cette crise passera de toute façon tôt ou tard. »
Et nous avons au quotidien, chez nous, dans nos vies, des marges de manœuvre. Tant qu’un individu pense, croit, même si c’est illusoire, qu’il dispose de capacité d’agir, son moral peut tenir. L’optimisme, dans le fond, c’est un pari de vie, pas une certitude.
L’optimisme va se nourrir de gestes aussi vis-à-vis d’autrui. On peut appeler des gens qu’on n’a pas eu depuis longtemps, essayer de leur remonter le moral. L’altruisme est un outil énergisant qui, l’air de rien, est extrêmement puissant ».
Aurélia Schneider, psychiatre spécialisée dans les thérapies comportementales et cognitives relativise : « On ne peut pas se promouvoir optimiste quand il y a des choses qui ne vont pas. Mais la question de l’action est centrale. Pour le déprimé, agir ou ne pas agir revient au même. Il y a chez lui une perte de désir, une perte d’envie, et de motivation. Remettre une pièce dans la machine permet de se rendre compte qu’on a prise sur quelque chose« .
Michel Lejoyeux : « L’optimisme est une qualité de santé et c’est quand il est menacé qu’il faut l’entretenir de manière très active avec des programmes de renforcement. Celui de l’Université de Boston propose trois activités quotidiennes de 30 minutes :
- Première activité : 30 minutes de gratitude. On râle tout le temps et on se reproche des tas de choses. Là, pendant une demi-heure, on va dire, ou on va écrire, « merci ».
- Deuxième chose : on voit toujours nos défauts. Là, on va se flatter et on va se trouver une qualité dont on s’est servi dans la semaine.
- Troisième qualité : on se programme une activité agréable et riche de sens. »
Cela ne traitera pas une dépression majeure, mais d’après nos collègues de Boston vous allez augmenter de 64% votre niveau de résilience et d’optimisme.
3 – Se cultiver
L’écrivain et philosophe Frédéric Schiffter explique : « Se cultiver permet de créer une parenthèse entre la douleur et l’ennui.
« Ce que Schopenhauer appelle ‘la conscience de la contemplation esthétique’ veut dire que lire, regarder des films, écouter de la musique permet à la douleur et à l’ennui de s’évaporer provisoirement. »
Les œuvres nous disent quelque chose de nous-mêmes, de notre vie, de notre existence. Elles le font non pas sur le mode de la brutalité, mais sur le mode distancié, de l’art. Et ce spectacle de notre existence par le biais artistique, nous apporte du plaisir. Cioran appelait Schopenhauer, le patron. Donc je suis le conseil du patron ! »
4 – Saisir les petites choses
Pour conserver le moral, pas besoin de grands moyens. Le bonheur résiderait dans de petites choses.
Le témoignage de Marie-France, auditrice : « Pour célébrer la vie, je parle aux animaux, et aux gens. Je leur demande comment ils vont et je leur souhaite d’avoir du courage. Je vais voir les canards sur une mare proche. Hier, ils étaient une vingtaine et c’était d’une beauté ! J’ai ensuite croisé une dame avec son chien. Je lui ai dit : ‘Oh comme il est beau, il est charmant…’ Et les gens qui sont au début sont fermés comme des huîtres, s’ouvrent, commencent à sourire. Pour célébrer la vie, il y a l’amour des autres. Moi la vie ‘m’a botté le croupion’, et j’ai réfléchi à son sens. J’aime les petits riens parce que c’est l’amour du tout« .
Aurélia Schneider : « J’ai ma méthode des bulles de bonheur. Il y a de toutes petites bulles de joie qu’il faut saisir. C’est ce qui fait que l’on va aller mieux ».
5 – Appliquer la méthode des Quatre temps de la Renaissance
Michel Le Joyeux : « Cette méthode repose sur quatre piliers : surmonter le passé récent, regarder le présent sans angoisse excessive, anticiper un futur meilleur en étant optimiste de façon réaliste et cultiver les moments de lenteur et de vide avec le temps du gérondif.
- Surmonter le passé récent : la nostalgie avec une vieille chanson ou un vieux film une demi-heure par jour permet de se reconnecter à des émotions anciennes… C’est un facteur protecteur, c’est prouvé !
- Regarder le présent sans angoisse excessive : 10 minutes par jour, on laisse venir les pensées, les émotions, on déconnecte son téléphone portable. On a démontré que les personnes dotées de cette capacité de rêverie, de « mind wondering » de vagabondage de l’esprit, ont une meilleure résistance au stress.
- Anticiper un futur meilleur en étant optimiste de façon réaliste : on a besoin aujourd’hui de se vacciner contre la peur du futur avec l’esprit canaille. En temps de confinement, il faut le chercher : un livre d’un genre nouveau, un repas nouveau…
- Et enfin, le gérondif : c’est ce que je fais en marchant, en mangeant. Pourquoi ne pas manger un aliment riche en molécules productrices de bonheur, par exemple ? Un peu de tryptophane, un peu de magnésium, avec un peu de chocolat noir avec des fruits que vous mangez doucement est un gérondif agréable.
Et puis un programme du King’s collège préconise l’altruisme, l’amusement, et d’accueillir l’information avec discernement.
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